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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le désir:
Dominance et attraction chez chez Homo sapiens, Nauphoeta cinerea et Leucophaea maderae

Se demander quel est le lien qui existe entre la dominance et l'attraction, c'est un peu se demander ce qui lie la guerre et l'amour….

Tous ceux qui se souviennent de leur adolescence, ont une connaissance même approximative de l'intrication des concepts de dominance et d'attraction chez l'Homo sapiens : Le torse bombé du joueur de foot a toujours eu plus de succès auprès des filles que les poèmes du frêle adolescent transi d'amour… 
La force et le courage se présentent en effet comme les vertus principales du mâle dominant : Pour les manifester, il n'hésite pas en entrer en lutte avec ces congénères, à affirmer sa supériorité non seulement face à ceux qui constituent une menace pour son rang, mais aussi face aux plus faibles.

La lutte physique et directe dans un premier temps (combats de cours de récréation) peut se transformer et se socialiser par le biais de la compétition sportive par exemple ou changer de terrain et s'intellectualiser : les études, la réussite professionnelle ou plus souvent la -triviale et pourtant si opérationnelle- réussite financière. 
Un même élan est toujours à l'œuvre : réussir à démontrer sa supériorité pour déclencher le désir. Comprenons-nous bien : ce qui est en jeu ici ce n'est pas d'acquérir le pouvoir, l'argent, la coupe ou le rang social …Tout ceci n'est qu'un moyen pour attirer le désir de l'autre (en d'autres termes, le moteur de la guerre n'est pas la haine mais l'amour). Ce que je désire, c'est le désir de l'autre, c'est, au pire, être envié - par les autres homme ou femmes, mes "amis", mon entourage-  au mieux être aimé  - par une fille ou un garçon, mon équipe, mes parents, la patrie, le peuple, Dieu, etc…)…et ce désir d'amour est dramatique banalité....

La lutte pour la dominance est donc un mouvement d'attraction :  le mâle ne désire pas  seulement le partenaire sexuel, il désire être désiré. Le jeu de la séduction peut alors commencer...

Comment s'y prennent les blattes pour se faire désirer sans muscles, voiture, diplôme ou jolie maison ?

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Les mâles Nauphoeta cinerea, par une succession d'agressions, établissent des relations de dominance …On parle alors de comportement agonistique : il s'agit en fait d'un comportement qui permet de résoudre un conflit avec un congénère. Ce comportement prend plusieurs formes définissant l'issue de la rencontre : menace, fuite, combat, retrait, attitude d'apaisement ou de soumission. Ces rencontres permettent à terme de définir un mâle victorieux.

Le statut ainsi affirmé de mâle dominant est alors indissociable d'une véritable composition chimique de l'individu en question : le mâle N. cinerea dominant émet des secrétions sternales de composition différente de celles des mâles dominés… Ces sécrétions seront reconnues par les autres mâles lors de nouvelles rencontres.

De la même façon, les mâles dominants Leucophae maderae émettent une phéromone sexuelle contenant plus d'acide sénécioïde et d'acide (E)-2-octénoîde que celle des mâles dominés (il suffit d'ailleurs de déposer ces deux acides sur un mâle dominé pour entraîner une inversion de dominance entre deux mâles !).

Le statut de dominance ainsi assuré par l'émission de phéromone est relativement stable… Diverses formes d'héritabilité de ce caractère chez N. cinerea ont d'ailleurs été étudiées (Traduction : Papa était grand et fort, faisait peur aux autres et faisait craquer les filles, moi aussi..).

Pendant longtemps, on a pensé d'ailleurs que la femelle totalement passive attendait gentiment que se manifeste le mâle dominant. La douce vierge attendant de voir le vainqueur du combat de ses prétendants…Le schéma classique du mâle dominant choisi par la femelle après un rude combat a ainsi permis à l'industrie hollywoodienne d'écrire bon nombre de scénarios de films…. Ce scénario n'est pas systématiquement celui de l'histoire du vivant.

La réalité, une fois de plus est plus complexe… et pas seulement chez Homo sapiens  ! 
Le désir échappe en effet à sa sclérose dans un schéma trop rigide, jugez plutôt :

La femelle Nauphoeta n'est pas totalement dupe du manège entrepris par le mâle dominant. Et comble du camouflet pour le bellâtre, elle lui préfère un mâle plus bas dans la hiérarchie… les mâles dominants essaient de s'interposer mais un nombre non négligeable de femelles parvient à ses fins.

Petite explication chimique :

La composition de la phéromone sociale produite par les Nauphoeta comporte trois composants majeurs :

3-hydroxy-2-butanone (composant A)

2-methylthiazolidine (composant B)

4-ethyl-2-methoxyphenol (composant C)

Les mâles ayant une plus forte quantité de B et C que de A sont souvent socialement dominants. Les mâles ayant une quantité plus forte de composant A que de B et C étant soumis. Étrangement les femelles ne sont attirées que par le composant A…quelque soit le niveau de B et C.

Dès lors elles choisissent parfois des mâles dominés.

L'explication finaliste que l'on donne à cet étrange comportement est la suivante : En choisissant comme partenaire un mâle dominé, elles mettront au jour plus de femelles que de mâles, ce qui permettra une diminution de la compétition entre mâles et donc un meilleur succès reproductif. La femelle manipulerait ainsi activement la reproduction. Le désir ne serait donc pas toujours déterminé par la dominance…mais par un désir de paix sociale.

Voici les gros bras belliqueux délaissés par les femelles pour les freluquets cafards pacifistes…Victoire de l'adolescent apprenti poète sur le joueur de foot chef de la cour de récré ?…

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